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par Marie_May » 07 juin 2025, 16:04
A propos de cinéma, et de défendre la République, j'ai vu jeudi un film tout à fait étonnant, Little Jaffna. C'est un metteur en scène et acteur tamoul à qui on doit ce film. Je ne le conseille pas aux oreilles sensibles, la musique est ultra présente et souvent trop forte. Je ne le conseille pas non plus à ceux qui ne veulent pas voir de violence à l'écran, c'est un film violent. Mais le monde en est plein et le cinéma, comme tous les arts, est un reflet de nos sociétés, CQFD.
Cela dit, c'est un film sur un thème important à mes yeux, l'identité, la loyauté à son identité première versus celle qu'on doit à la société du pays dans lequel s'installe le migrant.
C'est aussi un film sur l'attachement à une cause pour laquelle on est prêt à sacrifier son humanité, pour la défense de laquelle on est prêt au crime, à la violence, à défier les lois de la République qui d'ailleurs accueille si mal les migrants.
C'est enfin une forme de documentaire sur un quartier de Paris habité en grande majorité par des migrants tamouls, une sorte de grande communauté en marge de la république, dans laquelle la solidarité et l'appartenance à un clan se confrontent à la solidarité et l'appartenance à un clan voisin, parfois très violemment, mais où tous craignent pour leur famille restée au pays, où tous se rejoignent pour célébrer le cinéma tamoul, dans une sorte d'hystérie collective. Etonnant de voir ça, nous qui nous asseyons au ciné comme dans une bibliothèque, en silence et toute notre attention projetée dans ce qui se passe sur l'écran.
En sortant du ciné, les aficionados habituels n'ont pu s'empêcher de confronter leur point de vue. J'ai été la seule à défendre cette forme de mafia parmi mes voisins qui ne voyaient pas de différence entre celle qui sévissait à Chicago dans les années de prohibition, où il n'était question que de pouvoir et d'argent - et celle des Tamouls où l'argent extorqué aux boutiquiers et aux vendeurs de roses allait en priorité à la cause des Tigres qui tentaient de résister autant que possible, dans les années 80, à l'armée du gouvernement du Sri-Lanka qui les persécutait.
Un film absolument intéressant et qui pose des questions sur les choix du protagoniste, entre loyauté à la cause, à l'identité première et loyauté à l'état qui vous abrite. Personnellement, j'ai trouvé que ce protagoniste aurait pu agir autrement et que le film aurait pu se terminer autrement.
Si quelqu'un va voir ce film, Little Jaffna, j'aimerais reprendre cette discussion.