Forêt en France. Panorama

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Claude
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Forêt en France. Panorama

Message par Claude » 31 août 2019, 15:36

Panorama, état des lieux et pistespar une équipe de journalistes de Libé.
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LIBÉ DES FORÊTS

La forêt n’est pas celle que vous croyez
Par Coralie Schaub , Aurélie Delmas et Aurore Coulaud — 27 août 2019 à 07:19

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Si les forêts françaises se portent plutôt bien et voient leur surface augmenter d'année en année, elles n'en restent pas moins menacées par le réchauffement climatique et les pratiques humaines. Décryptage.


La forêt n’est pas celle que vous croyez

Pour la grande majorité des Français, la forêt est avant tout un lieu de promenade, propice à la détente, à l’imaginaire voire à la cueillette. Mais savent-ils qu’en France métropolitaine, la plus grande partie de la forêt est privée ? Si l’on dénombre plus de 3 millions de propriétaires, 50 000 d’entre eux possèdent environ 52% de la surface forestière privée et assurent les trois quarts de la commercialisation de bois, comme le rappelle le Programme national de la forêt et du bois (PNFB) publié en 2017. La forêt publique, qui représente 25% du total, produit, elle, 40% du bois vendu. Derrière l’image bucolique se cache une réalité économique et sociale complexe.

La forêt métropolitaine se porte-t-elle bien ?

Oui, la forêt, qui couvre autour de 30% du territoire, va plutôt bien. «Elle s’est étendue en surface et elle a tendance à produire plus en raison de l’augmentation du CO2 qui la fertilise, mais elle subit des menaces graves», précise Hervé Jactel, directeur de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et spécialisé dans l’écologie forestière. Selon l’inventaire forestier 2017 de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), la superficie forestière en métropole augmente de 0,7% par an depuis 1985, notamment en raison de la déprise agricole : de 14,1 millions d’hectares, on est passé à 16,9 millions. Une avancée qui bénéficie d’abord à la Bretagne et au pourtour méditerranéen.

Dans le détail, la forêt française est composée de 136 essences d’arbres, dont une majorité de feuillus, comme les chênes ou les hêtres, et environ un tiers de résineux. Mais, toujours selon l’IGN, treize espèces occupent 82% de la place, et 17% des forêts ne sont composées que d’une seule essence. Le nombre d’essences utilisées par la filière bois a tendance à se réduire, les feuillus séduisant de moins en moins. Dans son documentaire Le Temps des forêts, François-Xavier Drouet montre d’ailleurs l’expansion croissante des pins douglas, ces conifères originaires d’Amérique du Nord à la croissance express et à fort potentiel économique qui ont été massivement plantés ces dernières décennies, par exemple dans le Morvan.

Or les menaces qui pèsent sur la forêt, notamment sur les pins, les sapins ou les épicéas, rendent sa diversité indispensable. Non seulement le changement climatique risque d’engendrer des épisodes de sécheresse plus fréquents, mais on note aussi la présence exponentielle d’espèces invasives favorisées par la hausse des températures ou les importations. Enfin, l’urbanisation et les infrastructures périurbaines ont tendance à grignoter les forêts. «On est dans une période de bascule, les forêts françaises ne sont pas loin du moment critique où s’enchaînent et se superposent des événements de dépérissement liés à ces menaces. La courbe qui augmentait va probablement chuter et nous allons voir arriver la décroissance de la production, voire de la qualité des forêts», met en garde Hervé Jactel qui rappelle que «les forêts mélangées sont à la fois plus productives et plus résilientes». Une mise en garde qui n’implique absolument pas de mettre la forêt sous cloche, au contraire : l’homme a tout son rôle à jouer pour aider la forêt à s’adapter au plus vite.

Des intrants chimiques sont-ils déversés dans les forêts ?

En octobre dernier, l’Office national des forêts (ONF) annonçait qu’il y aurait désormais «zéro glyphosate en forêt publique». «Par anticipation sur l’évolution prévisible des réglementations, la mise en œuvre des plans de gestion en forêt publique se fera désormais sans utilisation du glyphosate. Les stocks seront détruits conformément aux procédures d’élimination des déchets dangereux», indiquait l’entreprise publique. La décision visait à calmer les esprits, après la révélation, l’été 2018, de plusieurs cas d’utilisation en forêt de cet herbicide controversé, classé «cancérogène probable» par l’Organisation mondiale de la santé. Notamment dans les Landes, où un apiculteur, cité dans l’ouvrage Main basse sur nos forêts de Gaspard d’Allens (Seuil, 2019), a dû jeter toute sa récolte de miel d’automne, soit plus d’une tonne, à cause d’un taux de contamination au glyphosate deux fois supérieur à la norme autorisée. Les parcelles voisines appartiennent à la première coopérative forestière française, Alliance forêt bois, par laquelle passe «15% du bois commercialisé au sein de la forêt privée» du pays et devenue, selon Gaspard d’Allens, «le chantre de l’industrialisation de la filière». Il s’agissait donc, dans ce cas, de parcelles appartenant à des propriétaires privés, en dehors de la responsabilité de l’ONF.

L’utilisation de pesticides en forêt est un sujet tabou et peu documenté. «Les traitements phytopharmaceutiques sont très rares en forêt publique, puisqu’ils ne concernent annuellement que 0,02% des surfaces», assure l’ONF. Mais au-delà, pour ce qui concerne notamment les forêts privées, «pour les plantes sauvages, il n’existe pas de réglementation sur les pesticides, écrit Gaspard d’Allens. Contrairement à l’agriculture, il n’y a pas de quantité limitée, de normes, ou un cahier des charges». L’ONG les Amis de la Terre le confirme : «Il est très difficile d’avoir des chiffres précis sur les quantités utilisées. Ces pratiques sont même tolérées par la certification PEFC [Programme de reconnaissance des certifications forestières, ndlr] qui est pourtant censée garantir une gestion durable des forêts.» L’ONG estime que plus de 70 herbicides, fongicides et insecticides sont autorisés dans les forêts françaises, «comme le Fusilade Max, le Tchao Plus ou encore le Barbarian». Ils servent à dégager les parcelles, «nettoyer» les allées de monocultures de pins, dévitaliser les souches, ou encore exterminer des insectes… dont la prolifération est favorisée par les coupes rases. Comme le SuxonForest, un insecticide contenant de l’imidaclopride, un néonicotinoïde «7 000 fois plus toxique que le DDT», rappelle Gaspard d’Allens, qui décime tellement les abeilles que l’insecticide Gaucho, qui en contient, a été interdit en agriculture…

Le bois est-il un secteur économique rentable ?

D’après le ministère de l’Agriculture, la filière forêt-bois représente 440 000 emplois directs et indirects, 60 milliards de chiffre d’affaires et 38 millions de mètres cubes de bois commercialisé, transformé en bois d’œuvre, bois d’industrie ou bois-énergie.

Oui mais voilà, la filière, fortement importatrice, accuse un déficit commercial chronique d’environ 6 milliards d’euros par an, rappelle le Programme national de la forêt et du bois (PNFB), qui évoque pudiquement «les fragilités de la filière». En cause, la vente du bois non transformé à l’étranger, l’importation de bois transformé, et la mauvaise valorisation du bois d’œuvre des feuillus dont le marché est à la baisse. Et la situation n’est pas en voie d’amélioration. Comme le précise une note du ministère de l’Agriculture portant sur l’année 2017, les importations se sont élevées à 16 milliards d’euros (+4,1% sur un an) et les exportations ont atteint 9,6 milliards (+2,5%) et «le déficit s’accroît dans tous les secteurs des produits transformés».

La forêt française est-elle menacée par le dérèglement climatique ?

Oui, car on sait que le réchauffement climatique est très rapide et à l’origine de la multiplication des épisodes de canicule majeurs et rapprochés dans le temps, qui eux-mêmes génèrent de la sécheresse. Cette sécheresse, plus présente, menace les ressources en eau dont les arbres ont besoin. Ainsi, dans les Vosges, des sapins et des hêtres ont pris une couleur rouille. Cette sécheresse affaiblit dans son ensemble la forêt, la rendant plus sensible aux aléas mais aussi aux ravageurs et pathogènes avec la crise des scolytes sur les épicéas dans l’est de la France, par exemple. Elle est aussi moins efficace pour absorber le CO2. Sans oublier la potentielle recrudescence des incendies, dévastateurs pour la biodiversité, qui pèse encore plus sur la forêt méditerranéenne. Moins d’arbres, c’est aussi un sol fragilisé et instable, des crues, des éboulements et des coulées de boue qui ne seront pas entravées.

Reste que la forêt française est diverse, et possède plus de 130 espèces différentes, ce qui lui donne «une capacité de résilience face aux menaces», rappelle Olivier Picard, directeur de la recherche et développement au Centre national de la propriété forestière (CNPF) et coordinateur du réseau Aforce, qui travaille sur les solutions d’adaptation des forêts au changement climatique. Certaines essences plus résistantes à la chaleur et la sécheresse prendront temporairement ou définitivement la place de celles qui n’arrivent pas à s’acclimater. Peut-être verrons-nous le chêne sessile ou pubescent supplanter le chêne pédonculé. Quoi qu’il en soit, l’une des solutions réside dans la diversification des peuplements. Compte tenu de la rapidité de ce changement peu compatible avec la vitesse naturelle de migration des espèces, il faudra tester d’autres solutions comme la migration assistée, et l’implantation d’espèces plus méditerranéennes en France, par exemple. Le mélange des gènes pourrait aboutir à améliorer l’adaptation des espèces au nouveau climat.

«Il ne s’agit pas de modification génétique, ni même d’hybridation, mais d’aller chercher les bons génotypes des arbres du sud qui résistent mieux à la sécheresse», explique Hervé Jactel. Des zones test ont d’ailleurs été lancées afin d’observer les comportements. «On fait des projections dans le futur avec des modèles qui définissent des zones à enjeux où on a notamment commencé à remarquer des signes de dépérissement», explique Brigitte Musch, du département recherche et innovation sur la génétique à l’ONF. C’est le cas de Loches, où on va installer dans des îlots d’avenir des chênes plus méditerranéens, comme le chêne des volcans. Difficile de savoir comment tout va évoluer dans les cent cinquante prochaines années. Mais à terme, on peut penser que la physionomie de nos paysages aura quelque peu changé.

Planter des arbres peut-il permettre de sauver le climat ?

Par principe, planter des arbres est une bonne idée. Mais ce qu’on appelle la «compensation carbone» peut parfois relever de la «fausse bonne idée». Tout d’abord, les promoteurs de la compensation prennent le risque de laisser entendre qu’il ne serait plus indispensable de réduire à la source les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Ensuite, les projets de compensation sont souvent réalisés dans des pays lointains des pays pollueurs et ne tiennent pas forcément compte des impératifs de diversité évoqués plus haut. Enfin, le fonctionnement des cycles forestiers implique de réfléchir sur le long terme : planter de nouveaux arbres ne dédouane pas de conserver les vieux arbres. «Il faut garder les vieilles forêts vénérables avec beaucoup de carbone stocké mais aussi créer de nouvelles forêts avec une diversité d’essences», résume Hervé Jactel. Car si les nouvelles forêts permettent d’envisager de nouvelles capacités de stockage du carbone, ce sont les sols et les gros arbres qui conservent le plus de CO2 dans leurs racines, leur tronc et leurs feuilles plus étendus.

Enfin, la diversité et la robustesse des arbres entrent en compte. Les arbres les plus vulnérables face aux sécheresses prolongées pourront même devenir occasionnellement émetteurs de carbone : «Pour éviter de se déshydrater, les feuilles ferment leurs stomates, ces pores par lesquels elles transpirent. Mais ce faisant, elles cessent d’absorber du CO2. Elles n’en continuent pas moins de respirer et donc de produire du CO2. Ainsi, lorsque les pluies font durablement défaut, la fonction de puits de carbone de la forêt est gravement perturbée», décrypte l’Inra sur son site internet. Ce phénomène peut aussi intervenir si des parasites s’attaquent au feuillage ou lors d’un incendie qui libérera dans l’atmosphère le CO2 accumulé au fil des années. Quant aux sols des forêts, ils peuvent accumuler plus de carbone encore que les troncs et les branches des arbres, à condition que la matière organique ait le temps de s’y dégrader.

Coralie Schaub , Aurélie Delmas , Aurore Coulaud

Claude
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Re: Forêt en France. Panorama

Message par Claude » 10 août 2020, 04:16

Les effets du dérèglement climatique lié au réchauffement et à la sécheresse s’installent dans les forêts sous les yeux des forestiers qui en parlent ici.
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ENVIRONNEMENT ABONNÉS
En forêt de Vierzon, «les arbres meurent de soif»

Par Julie Renson Miquel — 9 août 2020 à 12:42
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En forêt de Vierzon, «les arbres meurent de soif»

«Ceux-là posent un problème de sécurité, on va devoir les couper.» Sur la route de Neuvy qui mène au sentier de la Salamandre en forêt de Vierzon, dans le Cher, Alexis Hachette, responsable d’unité territoriale de l’Office nationale des forêts (ONF), jette un regard dépité vers les chênes et hêtres dépérissants en lisière, facilement reconnaissables à leurs branches nues et sèches. La faute aux sécheresses à répétition de ces dernières années. «A Vierzon, il n’a plu que 22 petits millimètres au mois de juillet et les nappes d’eau n’ont pas fait le plein cet hiver, explique le forestier. En 2020, il n’y a pas eu un seul phénomène de pluie abondante. Les arbres meurent de soif.»

Une épaisse couche de feuilles mortes recouvre le sol sous les grands chênes pédonculés. Si les arbres se débarrassent de leurs feuilles pour préserver leur énergie, ils sont aussi moins bien protégés de la chaleur du soleil. A cela s’ajoute les multiples pathogènes et insectes ravageurs qui se font un festin des arbres faibles. A Vouzeron, forêt limitrophe de Vierzon, les scolytes, petits insectes xylophages, sont un véritable fléau pour les épicéas communs.

Un dépérissement toujours plus rapide

Depuis l’année dernière, 200 000 hectares de forêts publiques françaises subissent un taux de mortalité inédit d’après l’ONF. Un constat inquiétant compte tenu de leur importance. Véritables puits de carbone, les arbres, en plus d’abriter une faune et une flore abondantes, jouent un rôle prépondérant dans la stabilité des sols. Ils filtrent l’eau et préviennent les éventuels éboulements. Sans compter qu’un surplus de bois sec augmente significativement le risque d’incendie.

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«Aujourd’hui, un chêne meurt beaucoup plus souvent soudainement, parfois en seulement quinze jours», se désole Alexis Hachette qui constate au quotidien les effets du dérèglement climatique sur son lieu de travail. Dans le massif domanial de Vierzon-Vouzeron, qui s’étend sur près de 7 500 km², le dépérissement s’accélère. «Encore plusieurs étés d’affilée comme ça et même les pins sylvestres vont y passer. On n’aura plus que du bois mort, la forêt va devenir un cimetière d’arbres.» «Regardez au sol, ajoute le forestier en alliant le geste à la parole. Vous voyez de jeunes arbres pour prendre le relais ? Non, il n’y a rien.» Si le sol argileux et siliceux de la forêt de Vierzon (qui était à l’origine une lande) n’est pas propice à la régénération naturelle, la hausse moyenne des températures n’arrange rien.

«On arrive de moins en moins à renouveler les peuplements, que ce soit naturellement ou en plantation, car les semenciers ont des difficultés sanitaires, constate le responsable d’unité territoriale. Ils portent moins de fruits et moins régulièrement que lorsque le temps était plus "stable".»

Une crise écologique et économique

Sur une parcelle recouverte de fougères, de jeunes pins sylvestres d’à peine 1 m 50, plantés par les forestiers, portent les stigmates des abroutissements des cerfs et des chevreuils : de larges balafres sont visibles sur leur frêle tronc. Certains n’y survivront pas. Les sangliers, quant à eux, s’en donnent à cœur joie sur les rares jeunes pousses de hêtres ou de chênes disséminées sur le domaine. «Le milieu est pillé», lâche avec dépit Alexis Hachette. L’équilibre entre la faune et la flore, perturbé par le manque de régénération, vient s’ajouter à une liste de problèmes déjà bien longue.

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Cette crise silencieuse n’est pas seulement environnementale, elle est aussi économique. Forêt et exploitant : tout le monde y perd. Source de revenus importante pour l’ONF, l’exploitation de la forêt est complètement chamboulée depuis quelques années. «En moyenne, on exploite 25 000 m3 d’arbres par an, explique Cédric Faure, technicien de l’ONF à Vierzon et Vouzeron. Cette année encore, on devrait largement dépasser les 25 000 m3. Ça ne se limite plus à Vierzon, d’autres départements sont touchés désormais.»

En plus d’affaiblir les arbres restants en les exposant un peu plus à la lumière, donc à la chaleur, ces coupes rases, réalisées sous la contrainte en raison de la crise sanitaire, ont un rendement économique relativement faible. «Ces grumes ne valent qu’entre 45 et 50 euros du m3 et serviront majoritairement comme bois de chauffe, précise Cédric Faure en pointant du doigt les dizaines de troncs abattus, décimés et ébranchés qui longent le chemin. Alors que le chêne à merrain [qualité de bois recherchée pour la tonnellerie notamment, ndlr] vaut entre 300 et 600 euros du m3. C’est simple, on perd neuf dixièmes du prix.» «La crise sanitaire au niveau du chêne et des résineux met en difficulté l’ONF, ajoute Alexis Hachette. On vend beaucoup moins cher le bois à la fois parce qu’il y en a trop d’un seul coup, il arrive en masse sur le marché, mais aussi car il est déprécié à cause des insectes qui ont creusé des galeries à l’intérieur.»

Remise en question

Conscient du changement irréversible en cours du paysage de la forêt, les techniciens de l’ONF tentent de ralentir au maximum le phénomène. Pourtant, il y a quelques années, leurs directives n’allaient pas forcément dans ce sens. «Les cadres éloignés du terrain n’ont pas toujours mesuré l’évolution du climat et croyaient qu’on pouvait appliquer le plan de gestion tel que prévu, confie Alexis Hachette. Ils ne comprenaient pas pourquoi nous, les forestiers, n’étions pas forcément en accord avec certaines de leurs décisions. Nous devions lever le pied, couper moins d’arbres.» Aujourd’hui, d’après le responsable d’unité territorial, les effets du dérèglement climatique sont clairement pris en compte dans leur travail quotidien. Par exemple, à Vierzon, depuis 2015, les plans de gestion initialement prévus sur vingt ans sont revus tous les cinq ans en raison de la rapidité du changement de climat. «La forêt est maintenant en crise sanitaire plus ou moins permanente, abonde Alexis Hachette. On est sérieusement pris à contre-pied, ce qui nous amène à nous remettre profondément en question sur notre gestion.»

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Peut-on encore sauver les forêts du dérèglement climatique ? «Je ne sais pas si on gagnera la guerre, mais on peut mener des batailles, argue-t-il. La première consiste à espacer les coupes. Ensuite, ici, on s’aperçoit que les peuplements denses sont en meilleur état lorsque l’on garde une litière forestière au sol, c’est-à-dire quand le couvert empêche la colonisation du sol par la végétation de landes : la molinie et la fougère. Quand les arbres se tiennent collectivement, on a en général moins de dépérissement.»

:lol: Les îlots d’avenir

Malgré leur bonne volonté et leur connaissance pointue de la forêt, les forestiers ne peuvent pas faire de miracles. La science en revanche, peut-être. Ces derniers travaillent donc de concert avec des scientifiques de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de la section recherche et développement de l’ONF. Il y a deux ans, ensemble, ils ont implanté un «îlot d’avenir» dans la forêt de Vierzon, afin de tester à petite échelle de nouvelles essences nord-américaines plus résistantes aux aléas climatiques.

Mais l’opération n’a pas été un franc succès : «Ça a été très compliqué, confie Alexis Hachette. Les premières années sont déterminantes pour l’installation de la plantation et on a enchaîné des étés terribles…» Résultat : sur les 50 000 plants de pins rigides (Pinus rigida) mis en culture par des pépiniéristes, seuls 12 000 ont survécu. «On doit faire des regarnis à hauteur de 38 000, ce qui est énorme ! Heureusement la même année, on a aussi fait des plantations de pins maritimes et on s’approche des 100% de réussite.» L’ONF retentera l’opération l’hiver prochain avec pour objectif de planter 5 900 plants de séquoia toujours vert, arbres réputés pour leur record de hauteur.

Reste à savoir si ces «îlots d’avenir» permettront d’opérer la transition des forêts à temps. «Il faudra au minimum vingt ans pour commencer à tirer des conclusions, avance Alexis Hachette. On n’a pas de boule de cristal. On est déjà sans cesse surpris par la vitesse des changements. La forêt évolue, elle s’étend et devient moins dense… Il va falloir vivre avec.»

Julie Renson Miquel



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Re: Forêt en France. Panorama

Message par Claude » 03 juin 2023, 08:24

Extrait d’un article de Libé.
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Changement climatique

La forêt française, un puits de carbone bientôt à sec ?


Sous l’influence du changement climatique, les étendues boisées métropolitaines perdent leurs capacités d’absorption du CO2. Un problème pour la France qui met à mal la stratégie climat du gouvernement. Et un défi pour la gestion forestière à long terme.

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par Margaux Lacroux
publié le 31 mai 2023 à 17h30

Les forêts françaises perdent leurs superpouvoirs dans l’atténuation du changement climatique. Il y a dix jours, en détaillant la stratégie de baisse des émissions de CO2, la Première ministre a affiché un graphique qui fait froid dans le dos. Celui-ci montre que les forêts pompent aujourd’hui deux fois moins de dioxyde de carbone qu’il y a dix ans. Une chute dantesque peu connue du grand public. Et qui tracasse l’exécutif.

Cette baisse s’est amplifiée à partir de 2015. Une diminution inquiétante à l’heure où le pays doit accélérer d’urgence ses efforts pour ne pas dépasser les +2 °C voire 1,5 °C de réchauffement planétaire prévus dans l’accord de Paris. Car la forêt française est le premier puits de carbone du pays, avec 30 millions de tonnes de CO2eq (1) absorbées en 2020, soit environ 7,5 % des émissions nationales. Grâce à la photosynthèse, les arbres absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère, stocké en quantité dans leur tronc, branche et racines, ils le digèrent et s’en servent pour grandir.

L’aspirateur géant marche encore mais il est défectueux ……


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