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Claude
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Message par Claude » 14 août 2020, 21:06

Violences contre un maraîcher bio. Attaque au glyphosate.

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PLANÈTE
AGRICULTURE & ALIMENTATION

Un agriculteur intoxiqué, des cultures détruites : une exploitation bio détruite au glyphosate dans les Bouches-du-Rhône

Intoxiqué, l’exploitant, qui avait consommé sa production, a dû être hospitalisé. Son épouse et lui ont porté plainte. Les agriculteurs voisins sont montrés du doigt.


Par Mailis Rey-Bethbeder Publié aujourd’hui à 18h24, mis à jour à 19h16 • Temps de Lecture 3 min.

Saccagée. C’est ainsi que Tristan Arlaud, agriculteur bio établi dans le sud-est de la France, retrouve sa production, le 8 juillet dernier. Les serres des Jardins de paradis, au Puy-Sainte-Réparade, dans les Bouches-du-Rhône, ont été lacérées, cisaillées… Les poivrons, tomates ou courgettes sont complètement dévastés.

Avec sa femme, l’agriculteur décide de porter plainte. Quasiment la routine pour ce couple, victime d’actes malveillants sur leur propriété agricole depuis 2016. « Depuis quatre ans, leurs plaintes pour atteintes à des biens sont classées sans suite », affirme Me Quentin Motemps, leur avocat. Après cette énième plainte, Tristan Arlaud continue à travailler et à consommer sa propre production.

Mais quelques jours plus tard, l’agriculteur doit être hospitalisé en urgence. Fiévreux, il est aussi victime de vomissements et atteint de diarrhées. Il perd sept kilos en quatre jours. Son état le résout à faire des tests : il a été victime d’une intoxication au glyphosate. L’herbicide a été pulvérisé sur ses cultures bio. Les voilà inexploitables, et surtout toxiques, impropres à la consommation en label bio. Six serres sur neuf ont été aspergées, le manque à gagner s’élève à 35 000 euros. « Ces serres-là, je ne peux plus les mettre en culture pendant deux ans », se lamente Oriane Arlaud, l’épouse de Tristan.

Ce passage à l’hôpital pousse le couple à prendre un avocat, qui dépose plainte auprès du procureur, à Aix-en-Provence, le 4 août.

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« La piste locale est évidente »

Tristan et Oriane Arlaud ont peu de doutes quant à la responsabilité des agriculteurs voisins dans cet acte de malveillance, d’autant que certains d’entre eux sont connus des services des gendarmes suite à leurs premières plaintes, en 2016. « Les auteurs sont non seulement identifiés, mais pour certains, ils ont été entendus par les services de la gendarmerie de Venelles, ont reconnu une partie des faits. Pour autant ils n’ont pas été renvoyés devant un tribunal correctionnel », s’étonne Me Motemps. L’avocat souhaite que « les auteurs soient entendus et qu’ils procèdent à des explications » concernant cette dernière attaque au glyphosate.

Oriane Arlaud abonde :
« La piste locale, elle est évidente. De plus, nous ne sommes pas du tout exposés, nous sommes au bout d’un chemin rural. Ce n’est pas facile à trouver, et encore moins de nuit. C’était organisé, c’est l’œuvre de plusieurs personnes. Pour faire ce qui a été fait, il faut être équipé, avoir des pulvérisateurs à dos. Cela constitue un faisceau de présomptions assez clair, je pense. C’est à la justice de faire son travail maintenant et d’identifier les auteurs. »

Pourquoi de tels agissements ? Me Motemps avance l’hypothèse de la jalousie et de la crainte face au nouveau concurrent que pouvait représenter le couple pour des « agriculteurs qui sont là depuis plus longtemps, voire depuis des générations ». Dans le village où ils se sont installés, les premières années, l’activité de ces nouveaux exploitants bio a fait l’objet de « moqueries » et de « ragots ».

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Un élan de solidarité

Ce projet d’agriculture biologique, cela fait des années que le couple le mûrissait. Tristan Arlaud s’était d’abord installé seul, en 2007, quittant son métier dans le secteur de la restauration, avant d’être rejoint par sa femme, auparavant psychologue du travail. « J’ai accompagné beaucoup de gens en reconversion professionnelle, et un jour, ça a été mon tour », se souvient Oriane Arlaud. Après un passage dans un lycée agricole, le couple s’installe au Puy-Sainte-Réparade et fonde une famille. Le succès est au rendez-vous.

Encore aujourd’hui, les deux agriculteurs peuvent compter sur une clientèle fidèle, et disposent d’environ 30 000 euros pour amortir leurs pertes, grâce à une cagnotte en ligne. « C’est un soulagement énorme, un message fort, s’émeut l’agricultrice. Je n’aurais jamais pensé que des gens qui ne nous connaissent pas puissent à ce point être touchés par ce qui nous arrive. On pleure comme des madeleines depuis un moment maintenant. » Après « un choc psychologique violent », le couple est motivé pour reconstruire « le projet d’une vie ».

Interrogé par France 3 PACA, le maire du Puy-Sainte-Réparade, Jean-David Ciot, explique que « ce sont des jeunes que nous avons beaucoup aidés à s’installer en bio. Ils sont arrivés en même temps que moi et ils sont dans l’esprit de maraîchage qu’on souhaite développer dans la commune. Nous allons continuer à les soutenir, c’est scandaleux ce qui leur arrive ».

Tristan Arlaud a été très exposé au glyphosate. Si son état de santé n’est plus alarmant, il reste à surveiller. Il souffre encore d’une grande fatigue respiratoire et a du mal à déglutir. « Tout ce qu’on souhaite, c’est que les gens soient identifiés et que ça s’arrête. Nous voulons continuer à porter ce projet, et pouvoir travailler tranquillement », conclut Oriane Arlaud.

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In Le Monde

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Re: Nos faits divers

Message par Marie_May » 17 août 2020, 00:18

Mais c'est de l'agri bashing, ça ... Accuser les agriculteurs voisins, c'est très vilain...! :roll:

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Message par Plumix » 17 août 2020, 07:37

Apparemment, pas de réaction de la fnsea locale?...

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Re: Nos faits divers

Message par plumee » 18 août 2020, 14:45

Cette attaque contre des agriculteurs bio me rappelle celle qui a eu lieu à côté de chez nous.
Là, c'est encore pire que du vol de matériel et du saccage de serres.
Chaque fois, ça me file le bourdon.
En plus, ces agriculteurs glyphosatés, ne pourront pas être déclarés bios pendant au moins deux ans.
Même s'ils sont soutenus par la municipalité, c'est un choc très violent.

Claude
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Re: Nos faits divers

Message par Claude » 18 août 2020, 16:08

L’article ne répond pas à toutes les questions. Sans doute, est-on trop proche de l’événement pour avoir toutes les réponses.
Par exemple, je n’ai pas compris comment le producteur a été intoxiqué. Par ingestion de ses produits ? Ou en travaillant à l'intérieur de la serre vandalisée ?

À travers des violences commises probablement par des sots, par des voisins lambdas, des gens presque ordinaires,
on sent la profondeur des tensions de notre société.

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Re: Nos faits divers

Message par Claude » 18 août 2020, 16:10

Ailleurs dans le monde, les violences prennent des proportions bien différentes. Ainsi les meurtres récents commis dans des zones rurales du Guatemala ……
.in Libé.

Au Guatemala, les Mayas rendent hommage à l'agronome français «Benito» Maria

Par François-Xavier Gomez — 17 août 2020 à 19:22


Photo :
Benoît Maria, lors d'une cérémonie de remise des diplômes à l'université Ixil à Nebaj.
Benoît Maria, lors d'une cérémonie de remise des diplômes à l'université Ixil à Nebaj. Photo AVSF


Le coopérant de 52 ans a été tué par balles la semaine dernière. Ses proches racontent les vingt ans qu'il a passés dans les communautés indigènes, à défendre leurs droits et à promouvoir l'agriculture paysanne.


Au Guatemala, les Mayas rendent hommage à l'agronome français «Benito» Maria
Mercredi dernier, des dirigeants des communautés indigènes mayas ont rendu un dernier hommage à Benoît Maria, 52 ans, agronome français tué par balles deux jours auparavant. La cérémonie avait lieu à Quetzaltenango, la ville où il vivait avec sa compagne et leurs deux enfants. Pendant plus de vingt ans, celui que tout le monde appelait «Benito» a apporté ses connaissances et son soutien aux communautés ixil et Q’eqchi'.

Lundi 10 août au petit jour, comme il en a l’habitude, Benoît Maria quitte Quetzaltenango pour rejoindre la ville de Chisec, dans le département d’Alta Verapaz, où il travaillait dans un programme de diversification de l’agriculture. Au lieu de prendre les routes asphaltées, il empruntait des pistes forestières qui lui faisaient gagner plusieurs heures. À mi-chemin, près du village de San Antonio Ilotenango, dans une zone peu fréquentée, son pick-up tombe dans un guet-apens et onze coups sont tirés sur le véhicule. Quand les secours arrivent, le coopérant est mort. Aucun témoin ne s’est manifesté et, une semaine plus tard, on ne sait toujours rien des agresseurs et de leurs mobiles.

«Écouter les anciens»

Agronome de formation, Benoît Maria était coordinateur au Guatemala d’Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), une ONG dont le siège est à Lyon. Sa première mission l’avait emmené en pays ixil, juste après les accords de paix qui avaient mis fin à une guerre civile de près de trente ans. Dans le département d’El Quiché, des villages entiers ont été massacrés par l’armée dans les années 80, quand ils étaient soupçonnés d’héberger des guérilleros. Benoît Maria a commencé à travailler avec ces communautés ixil fragilisées, déplacées, coupées de leurs traditions.

«Nous aussi l’appelions Benito, témoigne le directeur général d’AVSF, Frédéric Apollin. Il a apporté ses connaissances en agriculture et en élevage et a surtout travaillé sur le retour aux savoirs traditionnels, ceux que les plus âgés pouvaient transmettre.» Pablo Ceto se souvient parfaitement de son arrivée. Pour cet éminent dirigeant ixil, ancien guérillero et candidat, en 2019, à l’élection présidentielle : «Benito passait des heures à écouter les anciens.» Le directeur d’AVSF ajoute : «L’enjeu de son travail était de permettre aux paysans de faire vivre leur famille en cultivant la terre», alors que le gouvernement souhaitait les voir vendre leurs terrains qui ne suffisaient pas à les faire vivre pour rejoindre les grandes plantations, ou les industries minières.

Benoît Maria a ainsi contribué à une agriculture paysanne diversifiée. Mais il fallait aussi sécuriser leurs droits fonciers face aux appétits des grands propriétaires. «Une des tâches prioritaires a été de répertorier et délimiter les parcelles, un travail que l’Etat ne faisait pas. Benito a formé les agriculteurs à l’usage du GPS, afin d’établir un cadastre et des registres de propriété», poursuit le directeur d’AVSF.

Université indigène

L’agronome français mènera la même démarche plus au nord, dans le département d’Alta Verapaz, à Chisec, auprès des populations q'eqchi', en partenariat avec l’ONG locale Sank. Son directeur, Ernesto Tzi, a encore la voix brisée au téléphone quand il parle de son ami. «Quand il est arrivé, il s’est étonné du manque de variété des cultures. Beaucoup de terres étaient à l’abandon. Un programme du gouvernement, qui prétendait semer du cacao ou de la vanille, avait été un échec», se souvient-il.

En renouant avec les savoirs ancestraux grâce aux anciens, les communautés multiplient rapidement les espèces cultivées et assurent leur autarcie alimentaire. «À un moment, il a fallu vendre nos excédents, poursuit le dirigeant q'eqchi', mais le maire de Chisec ne voulait pas de nous sur le marché car nous ne pouvions pas payer le droit de place. Avec Benito, nous avons négocié de nous installer le samedi sur le marché des plantes médicinales. Au début, on nous regardait d’un mauvais œil, avec nos dégaines de paysans, mais le succès a été foudroyant. Nous cultivons désormais plus de 70 espèces différentes, que nous vendons dans les marchés paysans des alentours.»

Une autre initiative à porter au crédit de l’agronome expatrié : les concours agricoles. «Benito a eu l’idée créer une émulation entre agriculteurs, se souvient Frédéric Apollin. Chacun présente sa production et celui qui offre la plus grande diversité remporte un prix en argent. Le succès de l’opération a dépassé toutes nos espérances.»

À Nebaj, Benoît Maria ne s’est pas contenté de l’expérience agricole. Il a contribué à rétablir les autorités coutumières, en la personne de dirigeants indigènes qui règlent les conflits et préservent la paix. Il a aussi cofondé l’université ixil, en 2009, avec Pablo Ceto. Le dirigeant explique : «Nous pensions que tous ces savoirs ancestraux que nous étions en train de récupérer, en matière d’agriculture, de santé, d’astronomie, d’archéologie, devaient être transmis dans de bonnes conditions.» Aujourd’hui, l’établissement compte plus d’une centaine d’étudiants et reçoit des professeurs des Etats-Unis ou de Colombie, passionnés par cette expérience.

Quinze assassinats

Pour Pablo Ceto, «un tel assassinat est une honte pour le Guatemala, il signifie que nous n’avons pas le droit de rêver à un monde meilleur». Le dirigeant avoue ne pas comprendre comment on a pu tuer «un homme aussi aimé, aussi solidaire. Le mobile n’était pas le vol, puisqu’on a retrouvé sa sacoche avec son ordinateur, et son argent.» Il reconnaît des tensions dans les deux départements où travaillait l’agronome, mais «sans accuser personne, insiste-t-il. Ici, dans le Quiché, le gouvernement a 16 projets hydroélectriques, au mépris des droits des communautés. Les conflits sont récurrents avec l’entreprise italienne Enel, qui en gère plusieurs. En Alta Verapaz, c’est l’invasion de la palma africana qui est préoccupante.»

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Les grands propriétaires, qui ont fait fortune avec le café ou la canne, misent en effet sur l’arbre qui produit l’huile de palme, riche en débouchés. La stratégie consiste à racheter les terres des plus petites communautés. Pour Ernesto Tzi, «c’est un leurre. Ceux qui acceptent de vendre reçoivent juste assez d’argent pour s’offrir une petite échoppe ou un pick-up. Mais après ? Ils n’assurent en rien l’avenir de leur famille.»

Benoît Maria comprenait les langues ixil et quiché, même s’il ne les parlait pas couramment. «Il connaissait parfaitement notre culture, notre cosmogonie», témoigne Pablo Ceto, qui constate que sa vie au Guatemala aura duré un katun : le cycle de vingt ans dans l’astrologie maya. Sa disparition intervient dans un contexte de violence contre les communautés autochtones. Le 3 août a été signalée la disparition du dirigeant autochtone Carlos Enrique Coy. Et le lendemain de l’assassinat de Benito Maria, c’est le défenseur des droits Mikael Lopez qui était tué par balles à Jalapa. L’ONG guatémaltèque Udefegua a comptabilisé 15 assassinats de défenseurs des droits humains en 2019. L’un des taux les plus élevés au monde.

François-Xavier Gomez
Pour profiter des liens et photos, voir le site de Libé.

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Re: Nos faits divers

Message par Claude » 20 août 2020, 04:00

Une semaine après le premier article sur les serres maraîchères bio vandalisée au glyphosate
et M. Tristan ARLAUD, le maraicher, conduit aux urgences, des précisions sur l’intoxication.
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AGRICULTURE
«On s’est retrouvés face à la mort dans nos serres» : une exploitation bio vandalisée avec du glyphosate

Par Juliette Delage — 19 août 2020 à 15:17 (mis à jour à 17:02)

Photo Christian Hartmann. Reuters

Près d'Aix-en-Provence, une ferme maraîchère bio a été détruite à grands coups d'herbicide. L'agriculteur a également été intoxiqué. Un acte de vandalisme inédit.




C’est un choc en deux temps. Le premier remonte au 7 juillet. Oriane et Tristan Arlaud, un couple d’agriculteurs de 36 et 47 ans, découvrent que six de leurs neuf serres ont été lacérées au cutter. Plus dépités que surpris, ils portent plainte, pour la troisième fois en quatre ans. «Les Jardins de paradis», leur exploitation maraîchère bio installée depuis 2012 au Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône), à 10 kilomètres au nord d’Aix-en-Provence, est régulièrement victime de dégradations.

Quatre jours passent. Oriane et Tristan constatent que leurs tomates, poivrons et autres légumes estivaux, normalement gorgés de soleil à cette saison, commencent à flétrir, leurs feuilles à brunir. Second choc. Ils comprennent que leur production a été aspergée d’un puissant désherbant. «Des années de travail s’écroulent, raconte l’agricultrice un mois plus tard, encore très émue. On s’est retrouvés face à la mort dans nos serres. C’est un deuil à porter.» Entre-temps, son conjoint a continué à travailler auprès des plantes touchées sans savoir qu’il s’exposait à des produits chimiques. Très vite, il tombe malade. Difficultés à respirer, troubles de la vision, vomissements blanchâtres… Les pompiers viennent le chercher chez lui pour l’emmener à l’hôpital. Les médecins diagnostiquent une intoxication aux produits organophosphorés. Du glyphosate, selon les analyses du terrain. Un herbicide classé cancérigène probable par l’Organisation mondiale de la santé.

Succession d’actes malveillants

Depuis 2016, Tristan et Oriane Arlaud ont subi une succession d’actes malveillants. Démolition du cabanon qui servait à vendre leur production, destruction de leur espace de stationnement, déversement de 10 tonnes de pierres sur une parcelle… L’installation de l’ancien restaurateur et de l’ex-psychologue du travail passerait mal auprès d’une partie du voisinage. «Il y a toujours eu une sorte de jalousie malsaine. On nous a souvent rappelé qu’on n’était pas des paysans, souligne Oriane. C’est vrai ! Malgré tout, on a énormément travaillé pour construire une ferme qui correspondait à nos valeurs.» En juin 2017, Tristan, éberlué, tombe nez à nez avec des vaches et des centaines brebis sur ses cultures. Il se précipite pour faire entrer les bêtes dans leur enclos, laissé volontairement ouvert par un voisin. La plupart du temps, les suspects sont identifiés. Ils ont même parfois reconnu les faits. Mais malgré deux plaintes et deux mains courantes déposées, aucune poursuite n’a jamais été engagée, selon leur avocat.

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L’empoisonnement de Tristan Arlaud change la donne. Les clients du «Jardin» encouragent le couple à se tourner vers un avocat. «Il faut que le sentiment d’impunité des malfaiteurs cesse. La justice ne peut plus ignorer ce qu’il se passe là-bas», estime Armand Poulteau, un habitué de la ferme, encore profondément troublé par les événements. Les premiers jours, des produits potentiellement touchés sont partis à la vente. Même si aucun consommateur ne présente de symptôme inquiétant, ils ont naturellement eu peur. «J’hébergeais ma fille, enceinte, cette semaine-là. Qui sait ce qu’elle a pu manger ?» trésaille le sexagénaire. Pour «faire en sorte que les enquêteurs se bougent», selon ses mots, Me Quentin Motemps a porté plainte au nom du couple le 4 août, auprès du procureur de la République.

Les conséquences sur l’exploitation sont lourdes. Les espaces touchés ont perdu leur certification bio, «normalement pour deux ans même si, au vu des circonstances exceptionnelles, des analyses seront faites dès l’année prochaine pour envisager un reclassement», explique Oriane Arlaud. Les pertes à court terme se chiffrent à 35 000 euros, «les deux tiers de notre production», affirme-t-elle. Et à long terme ? La trentenaire marque une courte pause avant de conclure : «Je ne préfère pas compter tout de suite.»

Des soutiens nombreux

En attendant, les Arlaud pansent les plaies. Tristan, toujours très affaibli, se repose. «Son état m’inquiète beaucoup. On ne sait pas comment il va éliminer le produit restant dans son corps. Il n’y a pas de traitement. Les soignants nous disent simplement d’attendre», confie Oriane. Les serres meurtries ont été nettoyées. Le couple envisage des solutions à tâtons, peut-être des plantes phyto-épuratrices, pour nettoyer la terre. Une cagnotte, lancée par le frère de Tristan sur Miimosa, une plateforme de crowdfunding spécialisée dans l’agriculture, a permis de rassembler plus de 59 000 euros pour les aider à relancer leur production. «On a lancé cette ferme avec l’envie de produire des aliments qui aient du goût et du sens, explique Oriane. Ils auraient pu détruire mes tomates avec des sécateurs mais ils ont choisi du glyphosate. Ce n’est pas anodin. C’est un message envoyé contre nos valeurs.»

Juliette Delage

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