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Claude
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Message par Claude » 30 déc. 2021, 05:36

Un document important —et un document d’étape— sur l’état des compromis
ou peut-être des compromissions entre 27 pays du continent européen.
Il est important d’arriver à s’accorder pour parler d’une même voix.
.
Mais ce document d’étape illustre la difficulté de parler d’une même voix.
.
In Le Monde

ÉCONOMIE • UNION EUROPÉENNE

La Commission européenne s’apprête à classer le nucléaire comme énergie verte

Bruxelles devrait parallèlement accorder au gaz le label d’énergie de transition, à l’issue de négociations en faux-semblants avec Paris et Berlin.

Par Virginie Malingre(Bruxelles, bureau européen)
Publié le 28 décembre 2021 à 04h58, mis à jour hier à 07h21
Temps de Lecture 5 min.
………

Ce devait être tranché avant la fin de l’année. Lors du conseil européen des 21 et 22 octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement européens avaient pressé la Commission de décider, d’ici à la fin novembre, du sort qui serait réservé au nucléaire et au gaz dans la taxonomie, ce classement des activités économiques en fonction de leurs émissions de CO2 et de leurs conséquences sur l’environnement. Ursula von der Leyen, la présidente de l’exécutif communautaire, avait promis que ce serait chose faite avant leur prochain rendez-vous, prévu le 16 décembre.

A l’heure où les Européens ont décidé d’atteindre la neutralité carbone en 2050, où la dépendance au gaz russe inquiète, et où les prix de l’énergie flambent, il s’agit là d’un enjeu crucial

Il n’en a finalement rien été. L’ancienne ministre d’Angela Merkel, qui gère le dossier en direct avec Paris et Berlin depuis qu’elle s’est fait bousculer par les Vingt-Sept, n’a en effet cessé de repousser son arbitrage, qu’on attend désormais pour janvier. Elle devrait finaliser sa proposition d’ici au 30 décembre, afin de la soumettre (pour simple avis), comme le veut la procédure, à un groupe d’experts. Et, si tout se passe comme prévu, la Commission présentera son projet le 18 janvier.

………

De la décision de Bruxelles dépendra la capacité des secteurs du nucléaire et du gaz à financer leurs futurs investissements. A l’heure où les Européens ont décidé d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément à l’accord de Paris, où la dépendance au gaz russe inquiète de plus en plus, et où les prix de l’énergie flambent, il s’agit là d’un enjeu crucial.

Lire aussi (2018) : Article réservé à nos abonnés Les Etats européens trouvent un accord sur la classification des activités économiques « vertes »


« Nous sommes très proches de la finalisation de notre travail sur [la taxonomie], qui inclura à la fois le gaz et le nucléaire », a affirmé le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, dans un entretien au quotidien allemand Die Welt, le 17 décembre. Dans les grandes lignes, « l’arbitrage politique est arrêté », abonde un diplomate. Il semble, en effet, acquis que l’atome sera considéré comme une énergie verte et le gaz comme une énergie de transition. Mais à certaines conditions, qui, elles, restent encore à caler et qui s’apparentent à un véritable casse-tête chinois pour Ursula von der Leyen.

Une affaire stratégique pour la France

La taxonomie, « c’est un tout petit sujet », a voulu minimiser Olaf Scholz, lors d’une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron, à l’issue du conseil européen du 16 décembre. Le chancelier allemand a confié à l’un de ses interlocuteurs qu’il ne « va pas embêter Emmanuel avec ça ». Le président français, lui, est à la manœuvre depuis des mois pour défendre la cause du nucléaire, arguant sans relâche qu’il s’agit là d’une énergie bon marché, à bas carbone et stable, ce qui est précieux, en ces temps de lutte contre le réchauffement climatique et de flambée des prix de l’énergie. Pour la France, qui se prépare à renouveler son parc nucléaire, l’affaire est stratégique.

Certes, mais Olaf Scholz, dont le pays a fait le choix de sortir du nucléaire, doit aussi veiller à ne pas (trop) fâcher sa coalition. Et là, la chose n’est pas simple : les Verts sont contre le nucléaire mais aussi contre le gaz, qui émet du CO2 ; le SPD, lui, peut vivre avec le gaz mais il est très remonté contre l’atome… Dans ce contexte, le chancelier ne peut se permettre de se montrer, publiquement du moins, compréhensif vis-à-vis de Paris. D’ailleurs, lors du conseil du 16 décembre, il s’est montré très ferme sur son refus d’intégrer le nucléaire dans la taxonomie. Dans ce contexte, Bruxelles doit veiller à donner des arguments à Berlin, afin que l’arbitrage final ne fasse pas imploser la toute jeune coalition allemande.

Afin de satisfaire sa majorité, « Olaf Scholz souhaite que le mot transition soit d’une manière ou d’une autre accolé au nucléaire. Le nucléaire n’est pas une énergie de transition, mais on peut considérer que les centrales de troisième génération sont une technologie de transition », explique une source européenne. Reste à savoir jusqu’à quand les investissements dans ce type d’installations seront éligibles à la taxonomie : 2040 disent certains, 2050 répond Paris, qui veut se caler sur l’échéance à laquelle l’Union européenne s’est engagée à la neutralité carbone. La Commission cherche aussi à encadrer la question du traitement des déchets qui pose problème en matière d’environnement. « Les Français recyclent déjà une partie des déchets nucléaires dans l’usine de la Hague [Manche]. La question, c’est d’aller plus loin et de définir un calendrier pour le recyclage de ces déchets », explique un diplomate.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Coût, gestion des déchets et sécurité : huit questions que pose le retour annoncé du nucléaire en France


Quant au gaz, il sera éligible à la taxonomie comme énergie de transition s’il remplace le charbon et s’il respecte certaines normes techniques. Il s’agit notamment de définir, pour les centrales, un seuil maximal d’émission de CO2 et un nombre maximal d’heures d’activité. Il faut également déterminer à partir de quelle année le gaz ne sera plus une énergie de transition.

Compromis difficile

Sur tous ces sujets, au-delà des débats entre les Verts et le SPD allemands, Bruxelles doit aussi composer avec de nombreux Etats membres, à commencer par les pays d’Europe de l’Est, Pologne et Hongrie en tête, qui comptent sur le gaz pour fermer leurs centrales à charbon, tout en ayant à cœur de construire une Europe moins dépendante du gaz russe. Et qui militent pour une taxonomie qui ne serait pas trop contraignante avec le gaz.

C’est donc un compromis très difficile que doit trouver Ursula von der Leyen, qui a fait du Green Deal sa marque de fabrique et qui a aussi beaucoup à perdre dans l’histoire. Tout en préservant Berlin d’une crise politique, il lui faut s’attacher à ne pas coaliser contre sa proposition des intérêts divers parmi les Vingt-Sept, qui en viendraient à représenter la majorité qualifiée nécessaire pour la faire tomber.

Berlin votera très certainement contre le texte que la Commission présentera le 18 janvier, ainsi que Vienne et Luxembourg, qui sont également farouchement antinucléaires. Mais « l’idée c’est que Berlin aura néanmoins implicitement validé la copie de Bruxelles. Ce qui veut dire que Berlin continuera à soutenir Ursula von der Leyen et que la coalition ne sera pas mise en péril », décrypte un haut fonctionnaire.

En octobre, la présidente de la Commission a pensé, un temps, qu’elle pourrait rendre son verdict avant le départ d’Angela Merkel, qui « était prête à prendre en partie le blâme », explique un diplomate. Mais Olaf Scholz a souhaité qu’il n’en soit pas ainsi. Peut-être lui arrive-t-il, aujourd’hui, de le regretter.

Virginie Malingre(Bruxelles, bureau européen)



Claude
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Re: Énergie …… pour 500 millions de personnes.

Message par Claude » 23 févr. 2022, 01:53


« Cent pour cent de l’uranium utilisé par nos centrales nucléaires est importé. Dans ces conditions, comment peut-on parler d’indépendance énergétique ? »
TRIBUNE

Collectif
La France n’est pas moins dépendante de l’étranger pour ses approvisionnements en uranium que pour ceux du gaz et du pétrole, rappelle, dans une tribune au « Monde », un collectif de chercheurs, parmi lesquels le socio-anthropologue Philippe Lavigne Delville.


Publié hier à 02h33, mis à jour hier à 19h32 Temps de Lecture 4 min.



Tribune. C’est une nouvelle fois au nom de « l’indépendance énergétique de la France » qu’Emmanuel Macron a annoncé, le 9 novembre 2021, sa décision de relancer la filière nucléaire et de construire une série d’EPR. Décision confirmée et précisée le 10 février.

Nous ne nous focaliserons pas sur les interrogations fortes qui pèsent sur cette décision : les énergies renouvelables sont déjà moins onéreuses que le nucléaire, et l’EPR n’a pas fait, loin s’en faut, ses preuves (retards conséquents, malfaçons nombreuses), alors que ses coûts et ses surcoûts de production sont plus élevés que ceux des énergies renouvelables.

La question des déchets nucléaires n’est pas non plus réglée, et les importantes sommes nécessaires à la rénovation des centrales actuelles, dont plusieurs [réacteurs] sont à l’arrêt pour des problèmes techniques ou de maintenance, seront forcément utilisées au détriment de l’investissement dans le renouvelable. Enfin, les longs délais de construction des EPR ne répondent pas à l’urgence d’une substitution la plus rapide possible du pétrole comme du gaz, nécessaire pour faire face au dérèglement climatique.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « La politique énergétique doit faire l’objet d’un débat ouvert »

Nous n’insisterons pas non plus sur la façon dont le président a pris sa décision, particulièrement opaque sur un enjeu qui pourtant engage la société sur le long terme : son choix était manifestement fait avant la publication, en octobre 2021, du rapport « Futurs énergétiques 2050 » de RTE (Réseau de transport d’électricité). Celui-ci n’a, d’ailleurs, pas fait l’objet des débats promis de façon approfondie : le scénario 100 % renouvelable n’a même pas été développé dans l’étude, ce qui en dit long sur des choix déjà tranchés et sur la conception de la décision publique.

Uranium importé

En tant que chercheurs, universitaires et experts ayant une connaissance approfondie du Niger, c’est un autre point, certes moins débattu dans l’espace public, que nous voulons contester : celui de l’« indépendance énergétique de la France » que permettrait le nucléaire. Ce mensonge repose sur un postulat stratégiquement contestable : la France contrôlerait le prix de l’uranium produit par Areva (devenu Orano en 2018), au Niger comme ailleurs.

Lire aussi L’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire : un tour de passe-passe statistique


Le pic de production a été atteint en France dans les années 1980 et la dernière mine d’uranium a été fermée en 2001. Cent pour cent de l’uranium utilisé chaque année par nos centrales (soit de 8 000 à 9 000 tonnes) est donc importé et provient du Niger, du Kazakhstan, d’Ouzbékistan, du Canada et d’Australie. Dans ces conditions, comment peut-on parler d’indépendance énergétique ? Il doit être, au contraire, très clair que nous sommes aussi dépendants de l’étranger pour l’uranium que pour le gaz et le pétrole.

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Peut-on faire comme si le marché de l’uranium était différent de celui de ces hydrocarbures ? Certes, il diffère dans la mesure où l’uranium est un marché sensible en raison de l’utilisation militaire qui peut en être faite. Aussi parce que les affaires se traitent sous forme de contrats interétatiques et non de ventes libres. Mais, pour le reste, l’analyse de l’évolution du cours de l’uranium montre qu’il fluctue comme les autres matières premières, tantôt flambant comme le pétrole (au milieu des années 1970 puis en 2007), tantôt chutant fortement comme ce fut le cas après l’accident survenu à la centrale japonaise de Fukushima (le 11 mars 2011).

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Combien coûteront les futurs réacteurs nucléaires promis par Emmanuel Macron, et comment les financer ?


Les pays producteurs, comme le Kazakhstan, la Namibie, le Niger ou l’Ouzbékistan, ont bien intégré ces fluctuations en substituant aux anciens contrats à prix fixe imposés par les multinationales des accords prévoyant leur révision annuelle. Plus encore, ils pourraient se concerter sur le modèle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) afin d’imposer une augmentation brutale des prix, surtout si la demande est soutenue, ce qui risque fort d’être le cas si l’initiative française est suivie par d’autres pays. Sans compter que les besoins de la Chine et d’autres pays émergents sont énormes.

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Impact sanitaire

Le Niger, qui fut longtemps le pays le plus pauvre de la planète, était considéré comme la chasse gardée de la France. Sa situation est révélatrice de ce nouveau type de marché où l’ancienne puissance coloniale a eu le monopole pendant près de quarante ans. Les négociations sur l’attribution du site d’Imouraren à Areva (2007) avaient donné lieu à des échanges tendus entre les présidents Mamadou Tandja et Nicolas Sarkozy. La Chine, qui entendait remporter le marché, s’était alors vu attribuer le petit gisement d’Azelik. De son côté, la société canadienne GoviEx mettra prochainement en exploitation le site prometteur de Madaouela. Le Niger dispose donc de capacités de négociation accrues grâce à ses partenaires désormais variés, et ses cadres ne sont plus inféodés à la France comme par le passé.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Electricité : entre le nucléaire et les énergies renouvelables, six scénarios pour 2050


N’oublions pas non plus la question des conditions d’exploitation des mines et leur impact sanitaire. L’exploitation à ciel ouvert de la mine d’Arlit, au Niger, occasionne de graves pollutions par les poussières et entraîne l’abandon de matériel et des montagnes de déchets radioactifs, dont les effets sur les populations sont dénoncés par des organismes indépendants et les populations.

La relance du nucléaire par le président français ne garantit donc en rien notre indépendance énergétique, elle ne fait que diversifier les importations, au prix d’autres dépendances et d’autres risques, notamment pour la population et les générations futures. La vraie indépendance ne serait-elle pas plutôt à chercher dans un choix clair pour la sobriété énergétique et les énergies renouvelables ?

Emmanuel Grégoire, géographe, directeur de recherche émérite à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; Eric Hahonou, socio-anthropologue, université de Roskilde (Danemark) ; Philippe Lavigne Delville, socio-anthropologue, directeur de recherche IRD ; Anne Le Bissonnais, socio-économiste, consultante ; André Marty, sociologue, expert à l’Institut de recherche et d’applications des méthodes de développement (IRAM) ; Jean-Louis Rajot, pédologue, chargé de recherche IRD.


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Re: Énergie …… pour 500 millions de personnes.

Message par Claude » 23 févr. 2022, 01:59

Ce topic est centré sur l’ énergie de 500 millions d’ Européens mais le cas français intéresse forcément la population européenne (interconnections des réseaux du continent, valeur d’ exemple).

Cet article collectif rejette la fausse indépendance énergétique nucléaire. L’ uranium est non seulement produit dans cinq pays étrangers dont le Niger mais ces pays seront tentés d’augmenter les prix de vente pour nous. 8-)

Ce sont des spécialistes du NIGER qui font tribune.

:oops:


« Cent pour cent de l’uranium utilisé par nos centrales nucléaires est importé. Dans ces conditions, comment peut-on parler d’indépendance énergétique ? »

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Nous ne nous focaliserons pas sur les interrogations fortes qui pèsent sur cette décision : les énergies renouvelables sont déjà moins onéreuses que le nucléaire, et l’EPR n’a pas fait, loin s’en faut, ses preuves (retards conséquents, malfaçons nombreuses), alors que ses coûts et ses surcoûts de production sont plus élevés que ceux des énergies renouvelables.

La question des déchets nucléaires n’est pas non plus réglée, et les importantes sommes nécessaires à la rénovation des centrales actuelles, dont plusieurs [réacteurs] sont à l’arrêt pour des problèmes techniques ou de maintenance, seront forcément utilisées au détriment de l’investissement dans le renouvelable. Enfin, les longs délais de construction des EPR ne répondent pas à l’urgence d’une substitution la plus rapide possible du pétrole comme du gaz, nécessaire pour faire face au dérèglement climatique.

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La relance du nucléaire par le président français ne garantit donc en rien notre indépendance énergétique, elle ne fait que diversifier les importations, au prix d’autres dépendances et d’autres risques, notamment pour la population et les générations futures. La vraie indépendance ne serait-elle pas plutôt à chercher dans un choix clair pour la sobriété énergétique et les énergies renouvelables ?

Emmanuel Grégoire, géographe, directeur de recherche émérite à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; Eric Hahonou, socio-anthropologue, université de Roskilde (Danemark) ; Philippe Lavigne Delville, socio-anthropologue, directeur de recherche IRD ; Anne Le Bissonnais, socio-économiste, consultante ; André Marty, sociologue, expert à l’Institut de recherche et d’applications des méthodes de développement (IRAM) ; Jean-Louis Rajot, pédologue, chargé de recherche IRD.


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