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Claude
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Message par Claude » 26 juin 2022, 16:34

Parfois je tombe sur une opinion publiée selon le mode de La tribune libre,
c’est-à-dire que le média qui les publie ne partage pas forcément les opinions de son auteur.
On en trouve beaucoup dans la presse d’infos que je préfère. La tribune publiée par Le Monde
que voici m’a surpris, inquiété.

Ancien lecteur de Dostoievsky, elle a résonné en moi. Probablement que je ne serai pas le seul.

Guerre en Ukraine : « Il y a une filiation entre l’idéologie nihiliste qui a marqué la Russie au XIXe siècle et cette façon de mener la guerre »

TRIBUNE

François Galichet
professeur honoraire à l’université de Strasbourg

Frappé par le caractère radicalement destructif de la stratégie russe, le philosophe François Galichet constate que, pour l’armée russe, « la destruction n’est pas un moyen mais une fin en soi ; et d’ailleurs elle s’applique à l’agresseur autant qu’à l’agressé ».

Publié le 23 juin 2022 à 11h55 - Mis à jour le 24 juin 2022 à 09h01 Temps de Lecture 3 min. Sélections

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Ce qui frappe le plus, dans le conflit ukrainien, c’est la stratégie adoptée par les Russes. Elle se caractérise par une intention délibérée d’anéantissement, de destruction systématique et radicale. Assurément, toutes les guerres comportent des dommages causés à l’ennemi ; mais ils sont le plus souvent liés à des objectifs militaires, même s’ils entraînent des bavures.

Dans le cas de l’agression russe, en revanche, on a l’impression d’une entreprise d’annihilation totale du territoire à conquérir, civils et soldats, hommes, bâtiments et choses. Marioupol, Boutcha et bien d’autres villes martyres illustrent tragiquement cette volonté. Comme on l’a souvent souligné, c’est une stratégie déjà adoptée en Tchétchénie et en Syrie.

Lire aussi : Guerre en Ukraine en direct : Washington minimise le retrait ukrainien de Sievierodonetsk

Habituellement, le conquérant vise à s’approprier les ressources du pays attaqué, ce qui le conduit à les préserver autant que possible, dans son propre intérêt. Ici, en revanche, on a le sentiment que le gain attendu ne compte pas du tout. La destruction n’est pas un moyen mais une fin en soi ; et d’ailleurs elle s’applique à l’agresseur autant qu’à l’agressé.

La pensée nihiliste comme principe de guerre

Les dommages causés à la Russie par la guerre (effets des sanctions, retrait des investisseurs étrangers, adhésion à l’OTAN de pays jusqu’ici neutres, renforcement de l’unité et de la défense européenne, etc.) sont de loin supérieurs à l’avantage éventuel que constituerait la conquête du Donbass. Mais ces dommages, si grands soient-ils, ne semblent pas compter.

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Comment expliquer une telle attitude ? Un mot s’impose au spectacle de cette guerre militairement irrationnelle, économiquement aberrante, politiquement catastrophique : nihilisme. On sait que ce concept est né en Russie dans les années 1860 ; et on l’associe souvent à un mouvement marginal d’opposition au régime tsariste, vite disparu au profit de la contestation marxiste-léniniste qui aboutira à la révolution d’octobre 1917.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « L’idée que Poutine puisse utiliser l’arme nucléaire m’obsède »

Or cette représentation est erronée. L’écrivain Ivan Tourgueniev (1818-1883), dans Pères et Fils, définit le nihiliste comme quelqu’un « qui ne veut rien reconnaître », « qui ne respecte rien » et « ne s’incline devant aucune autorité ». L’écrivain philosophe Alexandre Herzen (1812-1870) , dans un article de 1869, y voit « un esprit de purification critique » ; il associe le phénomène du nihilisme à la mentalité russe en tant que telle : « Le nihilisme est le fruit naturel, légitime, historique de cette attitude négative envers la vie qu’avaient adoptée la pensée russe et l’art russe dès ses premiers pas après Pierre le Grand. » Il ajoute : « Cette négation doit enfin aboutir à la négation de soi-même. »

Le nihilisme dans la nature de l’âme russe

L’analyse sera reprise par Fiodor Dostoïevski (1821-1881), qui écrit, parlant des Russes : « Nous sommes tous des nihilistes. » Le philosophe Nicolas Berdiaev (1874-1948), un siècle plus tard, le confirme : le nihilisme avait sa source dans l’âme russe et dans la nature de la foi proslave. C’était « le négatif photographique du sentiment apocalyptique russe ».

Albert Camus (1913-1960), dans L’Homme révolté, en précise les contours. Il y décèle « le sentiment, qu’on retrouvera jusque chez Bakounine et les socialistes révolutionnaires de 1905 que la souffrance est régénératrice ». Le critique littéraire Vissarion Bielinski (1811-1848), l’un des représentants de ce mouvement, affirme qu’il faut détruire la réalité pour affirmer ce qu’on est : « La négation est mon Dieu. »

Lire aussi : Guerre en Ukraine, en direct : « L’armée russe détruit et tue simplement », déclare le président Zelensky après la mort de quinze civils, dont un enfant de 8 ans, près de Kharkiv

On lui confère, écrit Camus, « l’intransigeance et la passion de la foi ». C’est pourquoi « la lutte contre la création sera sans merci et sans morale ; le seul salut est dans l’extermination ». Selon le théoricien politique Mikhaïl Bakounine (1814-1876), « la passion de la destruction est une passion créatrice ». Sergueï Netchaïev (1847-1882), son compagnon, « a poussé la cohérence du nihilisme aussi loin qu’il se pouvait » : désormais « la violence sera tournée contre tous au service d’une idée abstraite » ; les chefs de la révolution doivent détruire non seulement les ennemis de classe, mais aussi leurs propres militants, s’ils dévient de la ligne imposée.

Une démarche pas rationnelle prête à tous les sacrifices

Bakounine a contribué autant que Marx à la doctrine léniniste – et par conséquent à l’idéologie soviétique dont Poutine est imprégné. A travers cette filiation, le nihilisme continue à inspirer les dirigeants actuels de la Russie. Du nihilisme au communisme, et de celui-ci au panslavisme qui motive l’invasion de l’Ukraine, c’est la même idée abstraite qui justifie une volonté de destruction « purificatrice », le parti pris de la table rase, de l’apocalypse comme idéal politique et religieux, du néant érigé en principe d’action.

C’est pourquoi il ne faut pas prendre à la légère la menace nucléaire agitée par les dirigeants russes. De l’anéantissement de l’autre à l’anéantissement universel qui implique l’anéantissement de soi, la frontière est mince. Le nihilisme, conclut Camus, « étroitement mêlé au mouvement d’une religion déchue, s’achève en terrorisme ». Chez tous les héritiers du nihilisme, « le goût du sacrifice coïncide avec l’attirance de la mort » ; « le meurtre s’est identifié avec le suicide ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Guerre en Ukraine : « Près de 30 % des routes, ponts, ports, chemins de fer, aéroports ont été détruits »

Comment faire face à une telle idéologie ? La réponse n’est pas évidente. Mais il faut en tout cas éviter de considérer Poutine et ses sbires comme des conquérants rationnels, qui calculeraient les bénéfices et les coûts d’une agression, tel Hitler. Il y a une filiation entre l’idéologie nihiliste qui a marqué la Russie au XIXe siècle et cette façon de mener la guerre. Comme toute foi, elle est prête à tous les sacrifices, y compris le sien.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pierre Lellouche : « Ce qui était, au départ, un conflit local limité à l’Ukraine est devenu une guerre par procuration, non déclarée, entre l’OTAN et la Russie »

En ce sens, elle relève davantage de la radicalité djihadiste, dont elle partage les modes d’action et de pensée. La seule différence entre l’une et l’autre est une différence d’échelle : le terrorisme poutinien est un terrorisme d’Etat, et d’un Etat qui dispose d’un arsenal nucléaire susceptible de provoquer l’anéantissement de l’humanité. Jamais auparavant celle-ci n’a été confrontée à une telle situation. En ce sens, la guerre ukrainienne est une nouveauté absolue dans l’histoire.
François Galichet, professeur honoraire à l’université de Strasbourg, auteur de : Qu’est-ce qu’une vie accomplie ? (Odile Jacob, 2020)

François Galichet(professeur honoraire à l’université de Strasbourg)

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Re: Tribunes libres

Message par Chichinette 11 » 26 juin 2022, 17:42

https://penthesilee.files.wordpress.com ... .gif?w=550 Mais pourquoi est-ce que pour une fois j'ai lu un des articles que tu postes ? https://penthesilee.files.wordpress.com ... .gif?w=550

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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 26 juin 2022, 19:08

Malheureuse !:

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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 26 juin 2022, 19:11

J’ai posté parce que je ne savais pas qu’en penser.

Rire jaune

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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 27 juin 2022, 07:47

À la suite des articles, des lecteurs du journal deviennent des contributeurs en 1000 signes maxi.
J’ai cherché d’autres points de vue par rapport à cet article sur le « nihilisme » qui m’avait ému mais pas convaincu.

En voici un parmi d’autres :
.

J-L.V
24/06/2022 - 10H25

La thèse est intéressante. Il semble pourtant que la clique au pouvoir à Moscou soit bien plus mafieuse que nihiliste. Jouissance du pouvoir et de tout ce qu'il apporte semble être le seul crédo de Poutine et de ses sbires. Le reste n'est que moyens pour y parvenir et le garder. La destruction radicale que perpètre l'armée russe n'est que le résultat de son incompétence, et la seule solution qui lui semble rester pour tenter de garder la main.

C'est un peu le problème de la philosophie de tenter de donner un sens au chaos. Celui-là n'était pas prévu, puisque l'Ukraine devait tomber en 2 ou 3 jours. Et la mafia poutinienne ne semble raisonner que dans la jouissance immédiate, en utilisant le formidable pouvoir de nuisance hérité de l'ex-URSS


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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 03 juil. 2022, 07:48

Voici une tribune que je soutiens cette fois-ci
(Cette exception est en effet préjudiciable
mais il est dommage que la tribune ne donne
aucune explication quant à la raison de l’exception.

Sébastien Mabile : « Il est temps de penser comment répartir équitablement le fardeau de la transition énergétique »

TRIBUNE . Sébastien Mabile, Avocat au barreau de Paris

Le Parlement européen a approuvé la fin de la vente des véhicules thermiques neufs, à l’exception des voitures de luxe telles Lamborghini, Maserati, Bugatti. Le message qu’il adresse aux classes moyennes et défavorisées est des plus catastrophiques, estime l’avocat Sébastien Mabile dans une tribune au « Monde ».

Publié hier à 15h00, mis à jour hier à 15h36 Temps de Lecture 4 min.
……

Le mercredi 8 juin, par un vote qualifié « d’historique », le Parlement européen a approuvé la fin de la vente des véhicules thermiques neufs (essence, hybrides et diesel) et le basculement vers l’électrique dès 2035. Le texte adopté vise en outre à réduire les émissions de CO2 du secteur automobile européen de 55 % d’ici à 2030.

A partir de 2035, toutes les voitures neuves vendues en Europe devront donc être dotées d’une motorisation 100 % électrique. Toutes ? Pas vraiment, puisque le texte comporte des dérogations au profit des seules voitures de luxe : les constructeurs vendant moins de 10 000 véhicules par an peuvent demander des dérogations à leurs objectifs de réduction de CO2 jusqu’au 1er janvier 2036, et les plus petits constructeurs, qui vendent moins de 1 000 voitures par an, sont exemptés de toute contribution à l’effort collectif.

Les 1 % les plus riches sont responsables de 17 % des émissions de CO2, et les 10 % les plus riches de 48 % des émissions
En pratique, ces dérogations bénéficient à des marques telles que Lamborghini, Maserati, Bugatti ou encore Aston Martin dont les modèles sont parmi les moins accessibles et les plus polluants. La Lamborghini Aventador S, qui selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie [Ademe] émet 460 grammes équivalent CO2/km, pourra continuer à être vendue après 2035. En revanche, la Citroën C1, qui n’émet que 116 grammes équivalent CO2/km, sera interdite à la vente.

……

Le message envoyé par le Parlement européen est des plus catastrophiques et démobilisant. Aux pauvres et à la classe moyenne de supporter l’effort de changement de motorisation – loin d’être négligeable –, tandis que les plus riches pourront continuer à polluer allègrement. Cela alors qu’à l’échelle mondiale, et selon le rapport sur les inégalités mondiales 2022, les 1 % les plus riches sont responsables de 17 % des émissions de CO2, et les 10 % les plus riches de 48 % des émissions.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « La fin des véhicules essence et diesel ne saurait se traduire par le remplacement d’un monopole énergétique par un autre »

Un être humain émet en moyenne 6,6 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2) par tête et par an. Un Français, près de 9,9 tonnes. L’empreinte carbone des 10 % les plus riches en Europe est de près de 30 tonnes par an, et monte jusqu’à 73 tonnes en Amérique du Nord.

Tant que le législateur ne sanctionnera pas la captation égoïste par une minorité de la population du budget carbone qu’il nous reste pour limiter la catastrophe, tout effort collectif sera jugé, à juste titre, disproportionné, et attisera les braises des « gilets jaunes » et autres « bonnets rouges ».

Les plus défavorisés affectés

Cela d’autant plus que l’exploitation minière nécessaire à la transition énergétique affectera en priorité ceux qui subissent déjà le plus les effets du changement climatique : les classes sociales et les pays les plus défavorisés.

L’étude d’Eurométaux publiée le 25 avril (« Metals for Clean Energy : Pathways to Solving Europe’s Raw Materials Challenge ») détermine pour la première fois les besoins en métaux à l’horizon 2050 à l’échelle de l’Union européenne, dans le cadre d’une politique climatique ambitieuse. Ses résultats sont vertigineux : + 33 % pour l’aluminium, + 331 % pour le cobalt, de + 587 à + 2 666 % pour les terres rares, et jusqu’à + 3 535 % pour le lithium !

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « La transition écologique impose de révolutionner le modèle obsolète de la voiture individuelle »

Des milliers de nouvelles mines – gigantesques consommatrices d’écosystèmes, d’énergie et d’eau – devront être créées dans les pays les plus pauvres, à la biodiversité la plus diversifiée et aux besoins en eau les plus importants, là où se situe l’essentiel des métaux.

Leurs impacts sociaux et environnementaux sont souvent plus importants que ceux des champs d’hydrocarbures : alors que le pétrole et le gaz sont dans le sous-sol, l’exploitation de métaux suppose de détruire intégralement le sol et toute la biodiversité qui s’y trouve. Le volume de déchets générés et la consommation d’eau nécessaire à l’exploitation sont aussi plus importants.
Injustice sociale et racisme environnemental

Alors que nos besoins en minéraux vont exploser, les destructions massives d’écosystèmes et les pollutions associées s’exporteront donc davantage encore vers l’Afrique (République démocratique du Congo, Afrique du Sud), l’Amérique du Sud (Chili, Bolivie) ou l’Asie (Chine), les plus riches en matériaux stratégiques (cobalt, lithium, terres rares, etc.).
A l’échelle de l’Europe, la réouverture quasi inéluctable de grandes exploitations minières, notamment pour satisfaire nos besoins en lithium, se fera, elle aussi, dans les territoires les plus défavorisés : contrairement au climat, la mine a cet avantage de pouvoir confiner l’essentiel des pollutions dans des territoires relativement restreints. Les populations du Nord-Pas-de-Calais ou les riverains de la mine de Salsigne, dans l’Aude, en savent quelque chose.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « La voiture électrique a renforcé le poids du charbon »

A supposer que l’on trouve des gisements sur la presqu’île de Saint-Tropez, ses résidents peuvent être certains qu’ils resteront sous terre, en raison des coûts faramineux d’expropriation, proportionnels à la valeur du foncier. C’est moins sûr pour les habitants du Portugal, de la Roumanie ou des Balkans, où les projets de mines se multiplient. Dans l’histoire, les bassins miniers n’ont été que rarement des lieux de villégiature des classes dominantes, et le mythe de la « mine responsable », prôné par le président de la République, le restera longtemps.

Il est donc temps de penser comment répartir équitablement le fardeau de la transition énergétique. Tenons-le comme acquis : l’injustice sociale et le racisme environnemental sont tout à fait compatibles avec des politiques ambitieuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Un iceberg d’inégalités

Les dérogations accordées aux voitures de luxe par le Parlement européen ne constituent que la partie visible d’un iceberg d’inégalités qui vont, avec le développement de l’activité minière associé à la décarbonisation de l’économie, s’accroître inexorablement : la « croissance verte » est un mensonge qui conduira le monde à des destructions encore plus systématiques des écosystèmes et à une explosion des inégalités environnementales.

Lire aussi : Sobriété : l’indispensable débat

Le seul levier dont nous disposons pour réduire cette pression est la sobriété de l’économie. Le moyen le plus efficace serait de faire supporter l’essentiel du fardeau de cette transition par ceux qui émettent la majorité du CO2 : les 10 % les plus riches de la planète. C’est le message qu’ont maladroitement tenté de faire passer les « gilets jaunes ». Visiblement, à travers la dérogation accordée aux constructeurs de voitures de luxe, ce message n’a pas été compris.

Au même titre que la société ne tolère pas certaines activités commerciales (culture ou trafic de stupéfiants) ou sexuelles (pédophilie), elle devrait demain interdire les actes de captation individuelle de proportions importantes des budgets carbone nationaux : voitures de luxe, yachts et jets privés, voyages hebdomadaires en avion à des fins personnelles, nombreuses résidences secondaires…

Il s’agit pour le moment d’un tabou des politiques publiques climatiques qui, s’il reste un impensé du droit, conduira à attiser les révolutions à venir.


LIENS vers d’autres articles :
Surconsommation : l’impasse, une série en cinq volets

Urgence climatique : le défi de la sobriété
La réduction des émissions de gaz à effet de serre se heurte au maintien de nos modes de vie
Le difficile découplage entre activité économique et émissions de gaz à effet de serre
« Face à l’urgence climatique, le camp de l’adaptation et celui de la rupture »

Transport
L’absolue nécessité de repenser nos modes de transport
Le « faux débat » du renouvellement du parc automobile
La sobriété touristique, « combat culturel » et ferroviaire
Le « flygskam », la honte de voler, bouscule les avionneurs

Agroalimentaire
Pourquoi notre système alimentaire est intenable pour la planète
Les multiples vertus de l’autoproduction
Le grand écart des Français devant leur assiette

Consommation
Consommer… jusqu’à l’écœurement
« Acheter agit comme une drogue, le bien-être est alors un leurre »
A Créteil Soleil, dans le plus grand Primark de France, temple de la fast fashion
Sobriété : Vers une limitation de l’usage du numérique ?

Habitat
Rénovation, densification, chasse aux logements vides… l’habitat, un modèle à déconstruire
A Auch, des familles s’essaient au logement participatif dans un ancien couvent
Quand des villes mutualisent l’utilisation des bâtiments publics
Voir moins
Sébastien Mabile(Avocat au barreau de Paris)


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Re: Tribunes libres

Message par plumee » 03 juil. 2022, 13:06

Trop à lire et à comprendre… :| Désolée.😘

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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 06 juil. 2022, 07:36

Une autre tribune sur la Cour Suprême des USA
considérée comme un élément central de l’affaiblissement démocratique de ce pays.
Parue après le recul historique imposé au droit à l’IVG,
et la contestation de mesures fédérales écologiques.
.
https://www.lemonde.fr/idees/article//0 ... _3232.html

.
En marge, 2 remarques perso :
.
Le dessin de Coco tellement efficace qui revisite le drapeau américain
dont j’ai dit qu'il était « un coup de poing » a eu un effet international.
.
Face à des adversaires « pro-Vie »,
les féministes devraient compléter leur slogan « Mon corps, mon choix » (côté pile)
par un autre slogan, côté face, « Plus jamais d’enfant non voulu et donc non aimé ».

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Re: Tribunes libres

Message par Chichinette 11 » 06 juil. 2022, 10:39

Marche pas ton lien.

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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 06 juil. 2022, 16:48

Aux-yeux-des-fondateurs-de-la-republique-americaine-un-si-grand-pouvoir-de-la-cour-supreme-aurait-ete-une-aberration …

Lien :

https://www.lemonde.fr/idees/article/20 ... _3232.html

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Re: Tribunes libres

Message par Claude » 06 juil. 2022, 16:50

Oh ! Et puis le voilà (mais sans les liens bien sûr.

« Aux yeux des fondateurs de la République américaine, un si grand pouvoir de la Cour suprême aurait été une aberration »
TRIBUNE


François Vergniolle de Chantal
Politiste


La plus haute instance juridique du pays, dont le rôle originel était de protéger les droits constitutionnels, a acquis un pouvoir d’interprétation de l’ensemble des lois, et ses dernières décisions signent un recul de la démocratie, explique l’américaniste François Vergniolle de Chantal dans une tribune au « Monde »

Publié hier à 15h00 Temps de Lecture 4 min.

Que nous disent les toutes dernières décisions de la Cour suprême des Etats-Unis ? En l’espace de quelques jours, la plus haute instance juridique du pays, dont les décisions sont sans appel, vient de bouleverser le débat politique par des prises de position, certes prévisibles, mais qui sont autant d’ondes de choc pour la société américaine. Quelques jours après une abominable tuerie dans une école du Texas [à Uvalde, le 24 mai], la Cour renforce le droit de porter des armes (New York State Rifle & Pistol Association Inc. vs Bruen) en annulant une réglementation de l’Etat de New York ; elle renverse aussi une jurisprudence remontant à 1973 en mettant un terme à la protection fédérale du droit à l’avortement (arrêt Dobbs vs Jackson Women’s Health Organization).

Enfin, la Cour vient d’interdire à l’agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) de réduire les émissions de carbone (arrêt West Virginia vs EPA), risquant de placer les Etats-Unis en porte-à-faux par rapport au reste de la communauté internationale. Au-delà de l’évidence de la radicalisation et d’un risque très réel de décalage avec l’opinion publique, c’est sans doute le contraste entre la situation actuelle et la volonté des Pères fondateurs qui saute aux yeux.

Pouvoirs limités

Les rédacteurs de la Constitution en 1787 avaient comme objectif de pérenniser la nature républicaine de leur jeune nation tout en introduisant des dispositifs qui encadraient les excès populaires : le Collège électoral tant décrié trouve ici son origine, tout comme la présidence, le Sénat ou encore le fédéralisme, chacun étant censé agir comme autant de filtres modérateurs. Dans cette architecture de l’équilibre des pouvoirs (« checks and balances »), la Cour suprême avait un rôle spécifique : protéger les droits constitutionnels en écartant les lois explicitement contraires au texte fondateur. La république américaine reposait à la fois sur la souveraineté populaire et la garantie de la Constitution : l’une ne saurait aller sans l’autre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Droit à l’IVG : « La décision de la Cour suprême est destinée à modifier en profondeur sa place dans l’équilibre des pouvoirs »

Mais les rédacteurs de la Constitution créèrent une Cour suprême aux pouvoirs limités. Dans le contexte antimonarchiste de l’époque, cette Cour ressemblait déjà trop à une aristocratie. L’Article 3 dessine une Cour en retrait et aux compétences étroites. Dans son explication de texte du numéro 78 du Fédéraliste [en 1788], l’homme politique et juriste Alexander Hamilton, un des partisans les plus engagés de la nouvelle Constitution, soulignait la faiblesse de cette Cour suprême qui n’avait, selon lui, ni force ni volonté, mais une simple capacité de jugement, ce qui la plaçait en situation d’entière dépendance par rapport au Congrès, et surtout par rapport à la présidence, pour l’exécution de ses décisions.

Un droit de veto ultime

La Cour que nous connaissons n’est donc pas née en 1787, mais quelques années plus tard. Par une décision fondatrice de 1803, l’arrêt Marbury vs Madison, le président de la Cour de l’époque, John Marshall, céda sur un point mineur – la nomination tardive d’un allié politique dans le contexte de l’alternance de 1800 – pour réclamer un pouvoir institutionnel beaucoup plus vaste : celui d’un contrôle de constitutionnalité généralisé, autrement dit un pouvoir d’interprétation de l’ensemble des lois du pays et, à la clé, un droit de veto ultime.

Lire l’éditorial du « Monde » : La Cour suprême aggrave l’affaissement démocratique des Etats-Unis

L’ampleur de cette décision était telle – elle fut d’ailleurs dénoncée par Thomas Jefferson, alors président et adversaire politique de Marshall – que la Cour n’a pas employé ce pouvoir d’annuler une loi fédérale avant 1857, dans une décision qui donnait un statut constitutionnel à l’esclavage (Dred Scott contre John F. A. Sandford) et qui, outre son caractère moralement condamnable, contribua à déclencher la guerre de Sécession. A cette date néanmoins, le pouvoir que s’était arrogé John Marshall ne suscite plus guère d’opposition, alors que le pays est déchiré par la question de l’esclavage.

« L’atonie d’un Congrès paralysé par les affrontements partisans et emberlificoté dans des procédures opaques renforce d’autant le rôle de la Cour »

Depuis la fin du XIXe siècle, la Cour se prononce régulièrement sur des questions fondamentales du politique américain, au risque de subir l’accusation récurrente de « gouvernement des juges ». De nos jours, l’atonie d’un Congrès paralysé par les affrontements partisans et emberlificoté dans des procédures opaques renforce pourtant d’autant le rôle de la Cour. Aux yeux des fondateurs de la république américaine, un tel pouvoir de la Cour aurait été une parfaite aberration. Ils y verraient, à juste titre, bien loin de son rôle initial de cénacle éclairé, une réalisation des pires craintes évoquées lors du débat de ratification, à savoir la mainmise d’une petite élite non-élue : non plus des « sages de la République », mais de purs et simples partisans républicains qui imposent leurs vues au reste du pays.

Lire aussi : Droit à l’avortement : « En supprimant Roe vs Wade, la droite religieuse américaine triomphe, et sans doute pour longtemps »

Le paradoxe va plus loin : c’est justement ce genre d’accusations, mais cette fois contre une Cour progressiste, celle d’Earl Warren [le quatorzième président de la Cour suprême], dans les années 1960, qui fut invoqué par les conservateurs. Ils justifièrent ainsi leur campagne de reprise en main des cours fédérales avec le président Nixon (1969-1974). Il fut le premier à nommer des juges « originalistes », qui chercheraient à appliquer la volonté des Pères fondateurs et s’en tiendraient aux simples mots de la Constitution, sans projeter leurs préférences. Les juges ne sauraient ainsi être des pseudo-législateurs ; ils doivent adopter une « retenue » afin de ne pas heurter frontalement l’opinion et laisser les élus débattre et voter sur les questions politiques.

Un lobby de juristes de droite

Roe vs Wade, la décision de 1973 reconnaissant un droit fédéral à l’avortement – qui vient d’être annulée – , représentait ainsi, pour les conservateurs, un parfait exemple d’abus judiciaire. Or, les Cours conservatrices qui se sont succédé ont eu, sous l’influence de la Federalist Society, un lobby de juristes de droite devenu le principal vivier des candidats républicains aux cours fédérales, l’occasion de montrer à maintes reprises que la retenue n’a rien d’une règle générale : les arrêts Dobbs vs Jackson, tout comme Bush vs Gore lors de la présidentielle de 2000, mettent à nu l’activisme conservateur d’une Cour qui perd ainsi la crédibilité dont elle bénéficiait traditionnellement aux yeux des Américains. Avec Dobbs, ce ne sont pas uniquement les femmes américaines qui sont confrontées à un recul spectaculaire de leurs droits, mais bien aussi la démocratie : la Cour vient, cent soixante-cinq ans après l’arrêt Dred Scott, de déclencher une nouvelle crise entre Etats.

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François Vergniolle de Chantal est professeur de civilisation américaine à l’université Paris-Cité.
François Vergniolle de Chantal (Politiste)


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